Pour un numérique libre, transparent, local et coopératif

Nubo une alternative pour un numérique libre, coopératif, transparent et local

Alors que les dominations charriées par le technocapitalisme trouvent toute leur extension sur des niveaux qui sont difficilement mesurables par les utilisateurs quotidiens des outils numériques, la question des combats concrets contre ces dernières reste l’une des facettes les plus importantes et urgentes de cette problématique : comment et par quel bout entamer la construction d’alternatives aux modèles imposés par les géants du numérique ? La coopérative belge Nubo s’inscrit, à ce titre, en plein cœur des tensions générées par la nouvelle donne numérico-politique en proposant des services numériques soutenus par une approche locale, respectueuse des libertés numériques et engagée sur le terrain des usages non capitalistes des technologies numériques. Cet entretien se concentre sur la mise en question des enjeux idéologiques, pratiques et analytiques (technocapitalisme, devenir autoritaire du libéralisme, rôle de l’État, alternatives numériques, etc.) interrogés par ce dossier, et ce à partir de la perspective d’une initiative qui propose un autre schéma, porteur de solutions nouvelles et prenant appui sur le modèle des coopératives.

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En guise d’introduction, comment présentez-vous Nubo pour celles et ceux qui ne vous connaissent pas ? Vous revendiquez une inscription dans le réseau des CHATONS : de quoi s’agit-il et à qui cela s’adresse-t-il ? Qu’est-ce que vous proposez aux usagers ?

Nubo est une coopérative de services en ligne respectueux de la vie privée. Elle propose aux utilisatrices et utilisateurs de reprendre la main sur (une partie de) leurs données en ligne, suivant la devise : « vos données, votre coopérative ».

Nubo fournit du mail et du cloud. Le mail, c’est nos adresses électroniques et l’échange de courriels. L’adresse électronique est à la base de nos identités en ligne, c’est avec elle que l’on se crée des comptes, que l’on entre en contact avec l’administration, etc.[1] Le cloud, c’est un espace en ligne qui permet le stockage, la synchronisation et le partage de données (documents, photos, carnets d’adresses, calendriers…) « Mail + cloud » est donc le point de départ pour pouvoir reprendre en main une partie de notre vie numérique très souvent confiée par défaut aux géants du web (Gmail, Microsoft Outlook et Hotmail, Apple iCloud, Google Drive, Microsoft Onedrive, etc.) au travers de nos ordinateurs et encore plus depuis nos tablettes et téléphones (iOS noie nos données dans le cloud d’Apple et Android dans celui de Google).

Nubo a été fondée par des associations actives dans la lutte pour les libertés numériques. Beaucoup de discours, même devenus mainstream, allaient dans le sens de la nécessité de protéger sa vie numérique et des solutions existaient, mais n’étaient pas toujours adaptées au grand public (besoin de connaissances techniques, formules davantage destinées aux associations ou autres structures, publics cibles très militants…) L’idée était de mettre en place une solution qui puisse convenir facilement à tout un chacun tout en donnant les chances d’une viabilité économique sur le long terme au projet.

Le réseau des CHATONS (collectif des hébergeurs associatifs transparents ouverts neutres et solidaires) est né de cette même envie de rendre les alternatives existantes visibles et disponibles pour un public varié. Nubo n’en fait pas encore officiellement partie (nous attendons que les services soient fonctionnels et ferons les démarches pour rejoindre le réseau avec l’assemblée générale des coopératrices et coopérateurs). C’est un réseau qui s’adresse à la fois aux acteurs de services en ligne éthiques et aux usagers à la recherche d’alternatives de confiance. C’est un peu un point de rassemblement de la décentralisation et une porte grande ouverte sur de l’entraide, l’échange de ressources, d’expériences, de bonnes pratiques, de logiciels libres et de codes. À noter qu’il existe un pendant anglophone aux CHATONS, les librehosters.

Les valeurs revendiquées par Nubo (coopérative, dimensions locales, finalité sociale, culture libre, émancipation numérique) s’inscrivent dans une polarisation de plus en plus forte des processus de numérisation de la société (entre les pôles propriétaire versus libre, privé versus public, techno-optimisme versus techno-critique, etc.) Comment analysez-vous cette polarisation et pourquoi pensez-vous que ces valeurs constituent une réponse adéquate à cet état de choses ?

Le capitalisme de surveillance (ou « économie de surveillance ») va de pair avec le capitalisme économique qui envahit déjà depuis bien longtemps tous les champs de la société. Les monopoles numériques, nourris de la logique de l’économie de marché et de la numérisation croissante de l’humanité, ont trouvé en ligne mieux que l’or noir et accumulent maintenant des richesses encore jamais accaparées (voir les records de capitalisation, les classements des entreprises les plus riches, etc.)

La centralisation monopolise et le monopole centralise, le pôle propriétaire (logiciel, algorithme, plateforme, app, protocole) verrouille les droits de regard, les capacités d’utilisation, les possibilités d’émancipation et emprisonne les usagers dans des plateformes qui fournissent des services en échange de conditions qui sont, en fait, inacceptables (les conditions étant tant les fameuses « CGU »[2] que les externalités de ces plateformes, comme les effets de leurs usages — bulles, chambres d’écho, effets sur la société, la psychologie, le commerce, les échanges de savoirs… — et les interférences — publicitaires, politiques… — qu’elles rendent possibles).

Nubo a voulu inclure dans ses prémisses la réaction à une tension : prendre cette économie à contre-pied, refuser sa logique et ses travers, tout en proposant une solution qui puisse y survivre, sans épuiser — si possible — les bénévolats, ni faire reposer la vie numérique des usagers sur la fragilité d’appels aux dons, avec une structure « économiquement pérenne et autonome ». Une réponse était donc de lier le monde des économies locales, sociales, « éthiques », participatives, avec celui d’un numérique libre et émancipateur, verrouillant, d’un côté, la logique de croissance infinie et de soumission des activités de l’entreprise aux lois du marché, et, de l’autre, les possibilités d’interférer avec la liberté des utilisateurs et leur soumission aux algorithmes exploitant leurs attention, conscience et disponibilité.

La réponse proposée par Nubo se situe bien à ce croisement et n’existe que dans leur conjugaison. Il n’y a rien d’original dans les services de « mail et cloud » que la coopérative propose ni beaucoup d’innovations dans le format de la coopérative à finalité sociale mise en place. Puisque les « clouds » qui aspirent nos agendas, photos, documents et courriels ne sont pas dans les nuages, mais stockés sur les disques durs des autres (les serveurs de Google, Apple, Microsoft, etc.), achetons nos propres disques durs, entretenons-les ensemble et définissons nous-mêmes les conditions d’utilisation. Ces garanties obligent à la transparence qui oblige à un modèle coopératif qui soit le plus juste et équitable possible et oblige à recourir à des logiciels libres qui puissent être regardés, adaptés et partagés (et qui permettent aux utilisateurs de garder la main sur leurs données, de les partager ou les préserver, de les détruire ou les garder, de partir ou rester).

Vous déclarez être un projet de résistance « à la centralisation massive de nos données personnelles ». Quel rôle pensez-vous que cette centralisation joue dans le modèle soutenu par le capitalisme néolibéral ?

La centralisation, c’est le monopole. Elle provient d’un désir d’accumulation qu’elle nourrit sans fin. Les géants du numérique rassemblent de plus en plus de données. Ils deviennent des fournisseurs de contenus inévitables. Ils bâtissent, agrandissent et relient leurs silos, ils achètent les routes qui y mènent, construisent eux-mêmes des autoroutes qui n’ont plus qu’eux-mêmes et leurs partenaires comme destination et arrivent à placer leurs portes d’entrée jusque dans les maisons ou entre les mains de leurs utilisateurs. On pense aux centres de données bâtis à travers le monde, aux câbles transatlantiques, à la fibre posée par Google jusque chez les gens aux États-Unis, aux smartphones qui n’offrent pratiquement que le choix de Google ou d’Apple, aux assistants vocaux, aux enceintes connectées, etc. Ils remettent en cause jusqu’à l’infrastructure d’internet. La « toile » au potentiel illimité devient de plus en plus dépendante de quelques nœuds. L’infinité de chemins que le réseau permet est de plus en plus désertée à l’avantage de quelques « fournisseurs de contenus » devenus indispensables (qui ne se font détrôner que par des plus gros qu’eux).

La centralisation des données personnelles, c’est une accumulation de ressources qui participe directement à la valorisation du capital de l’entreprise qui les contrôle.

Nombreuses sont les analyses qui s’accordent sur l’intrication réciproque entre la progression du numérique et les tendances autoritaires du capitalisme contemporain (capitalisme de surveillance, société de traces et de contrôle, aliénation numérique, management numérique, digital labor, etc.) Comment une initiative comme Nubo s’inscrit-elle dans ce contexte ? Par exemple, pensez-vous qu’une généralisation du modèle que vous proposez permettrait de sortir de ce devenir autoritaire du capitalisme ?

Nubo, c’est du mail et du cloud, des services assez basiques et personnels du quotidien. La coopérative ne va pas changer le paysage numérique ni la relation aux médias sociaux ou ce qui s’affiche dans les flux d’actualités et dans les recommandations, qu’elles soient d’amis ou d’algorithmes.

En choisissant d’utiliser des services comme ceux de Nubo ou des CHATONS, on extrait une petite partie de sa vie des tentacules de l’économie de surveillance. Au moins, en consultant sa boite aux lettres électronique, ou en partageant un document ou quelques photos avec des proches, cette petite partie des données et des interactions, cette petite partie de nos vies numériques, ne participera pas à l’accumulation de traces, ni au peaufinage de nos profils, ni au ciblage publicitaire, ni aux desseins d’omniprésence des géants du numérique.

Comme dit plus haut, Nubo porte les valeurs du logiciel libre et d’un internet décentralisé, mais aussi la proposition d’une autre économie. Là où les services de mail sont gratuits, mais où nos agendas, contacts et photos sont automatiquement sauvegardés dans de « généreux » clouds (en fait davantage avides que généreux), Nubo propose aux coopératrices et coopérateurs de participer au capital en achetant des parts et aux utilisateurs de payer un abonnement. Par ces prix à payer, la coopérative propose aux coopératrices et coopérateurs la copropriété d’une infrastructure à gérer ensemble et aux utilisatrices et utilisateurs de participer à l’autonomie financière du projet. Parce que les services, les serveurs, les clouds ont un cout réel et que nous préférons un prix juste à une fausse gratuité.

Nubo n’est pas une solution globale. C’est un petit pas. C’est l’exercice de sortir de l’idée tordue que les données sont une matière première et renouer avec une économie plus franche, l’échange d’un service pour de l’argent, puisqu’il faut de l’argent pour acheter des disques durs, payer l’électricité, verser des salaires. C’est aussi l’envie de faire revenir internet à une taille plus humaine avec cette idée étrange pour des services en ligne d’en faire un projet local (et donc d’économie circulaire et, accessoirement, dépendant des lois locales).

Il va de soi, semble-t-il, qu’en s’écartant de l’économie dominante et de la centralisation l’on s’extrait du « devenir autoritaire du capitalisme ». Nous pensons toutefois que ce n’est pas le seul chemin possible. Il y a d’autres propositions qui se côtoient, différents modèles économiques existent, par exemple, dans le réseau des CHATONS (cotisations, dons, prix libres ou « en conscience », etc.). Il existe même de grands acteurs qui résistent assez bien à cette économie, comme la fondation Wikimédia. La clé semble se trouver dans l’usage de logiciels libres, de protocoles ouverts et interopérables, de licences qui permettent le partage et la réutilisation… dans ces petites choses discrètes, non clinquantes, non publicisées qui pourtant éloignent de la centralisation captive, de l’exploitation des usagers et des velléités de cotations en bourse.

Venir chez Nubo, prendre des parts, payer pour s’abonner aux services, tout ça fait partie d’un processus de sensibilisation personnel et social. Sortir des options par défaut (et souvent gratuites) demande un effort cognitif, de faire un choix et de prendre au moins quelques minutes de son temps. Et ce processus peut continuer dans Nubo, entre usagères et usagers, entre coopératrices et coopérateurs. C’est surtout le travail de sensibilisation qu’il faut généraliser, le « modèle » est une solution parmi d’autres qui tente de s’adapter aux réalités, contraintes, refus et besoins du projet ici et maintenant.

Votre initiative reste une initiative privée, issue d’acteurs de la société civile. Quel rôle devrait, selon vous, prendre le pouvoir public dans cette configuration du capitalisme numérique ?

Une chose est sure : argent public, code public.

Globalement, on pourrait résumer une réponse prudente en partant des mêmes principes qui fondent Nubo (qui défend des valeurs démocratiques). Si nous voulons avoir confiance, il faut de la transparence, il faut des logiciels ouverts. Les pouvoirs publics ne devraient pas mettre du temps ni de l’argent dans des projets opaques et incontrôlables. Les pouvoirs publics ne devraient pas avoir la vocation de promouvoir, d’utiliser ou de baser leur infrastructure sur des logiciels propriétaires et une propriété intellectuelle rigide.

Nubo a été créée avec la volonté forte de fonctionner d’une manière démocratique et la plus égalitaire possible (par exemple en adoptant le principe « une personne, une voix », peu importe le nombre ou le type de parts possédées). Les disques durs qui stockent les données des utilisatrices et utilisateurs et les machines qui les servent ne doivent pas appartenir à l’entreprise, à ses actionnaires ou à son conseil d’administration, mais à la collectivité. C’est un petit bout des chez-soi de chacun et chacune qui se retrouve confié dans une infrastructure qui tourne grâce à la mise en commun des ressources (notamment financières). C’est l’assemblée générale qui décide, par des débats et des votes, de la composition du conseil d’administration et des lignes importantes de la gestion de la coopérative. C’est une manière de reprendre, « ensemble », le contrôle de données personnelles autrement accaparées par de grosses boites et leurs modèles économiques.

Les pouvoirs publics devraient favoriser ce qui ne nourrit pas les multinationales, ou au moins ne pas y contribuer (et encore moins y placer leurs propres services).

Enfin, peut-on considérer les projets comme Nubo et apparentés comme des formes concrètes de « socialisme numérique », soit comme des formes de « socialisation » des moyens de production de la matière première numérique (les données) et de la capitalisation qu’elle rend possible ? Si non, comment caractériseriez-vous autrement votre initiative ?

Lors du travail sur l’identité visuelle de Nubo, une des premières propositions était une machine agricole (avec de la vapeur qui s’en échappe, pour le cloud) avec les coopérateurs tout autour. Il y avait cette image d’une machine-outil commune, que tout le monde emploie et entretient.

Il y a, de toute évidence, derrière l’idée de gestion collective (gestion coopérative) de l’infrastructure et la mise en commun des ressources des personnes coopératrices et abonnées, la volonté de reprendre le contrôle de ce à quoi on confie nos données personnelles. « Reprendre le contrôle sur nos données », c’est contrôler ce qui les stocke et les rend accessibles et utilisables.

On ne considère pas les données comme une matière première. Il n’y a de production que de services. Les données restent la « propriété » des utilisateurs et utilisatrices. Nubo fournit des services en échange d’un abonnement. Les abonnements sont la seule source stable de revenus (subsides occasionnels). Nubo est un cadre destiné à garder les services fonctionnels et disponibles.

En tout cas, devenir coopérateur ou coopératrice, avoir une (ou plusieurs) part dans Nubo, c’est être copropriétaire de l’infrastructure, c’est posséder une partie des disques durs sur lesquels seront stockées ses données. C’est aussi participer au loyer, à l’électricité, aux salaires, à l’entretien des machines. S’il y a des bénéfices, l’assemblée générale peut décider d’en redistribuer une partie aux coopératrices et coopérateurs, de manière égale, mais il est prévu aussi de pouvoir contribuer aux logiciels libres qui permettent aux services de tourner, avec l’idée de « retour à la communauté » (des logiciels libres). [3]

BIO-BIBLIOGRAPHIE

Nubo est une coopérative de services en ligne respectueuse de la vie privée. Elle propose du mail et du cloud à des particuliers tout en les guidant dans leur transition vers des services libres et de confiance. Chez Nubo, les données restent la propriété des utilisatrices et utilisateurs et sont stockées en Belgique. Nubo est un projet local et à taille humaine qui favorise l’implication des coopératrices et coopérateurs, tant dans la gouvernance que dans des réseaux d’entraide et de réflexion sur les enjeux liés au numérique.

Ces services seront accessibles à tous et toutes pour un abonnement à partir de 2,5 € par mois. Tout le monde peut acquérir des parts à 25 €.

Contactez-nous : hello@nubo.coophttps://nubo.coop

  • [1] Même s’il est vrai qu’elle se fait phagocyter par les numéros de téléphones et les comptes tiers (« connectez-vous avec… ») qui permettent aux uns de « joindre » et « toucher » plus facilement leurs cibles et aux autres de collecter encore plus de données. Il n’en reste pas moins que la majorité des services qui nécessitent une identification peuvent être accessibles avec une simple adresse électronique.
  • [2] Conditions générales d’utilisation.
  • [3] La notion de propriété des données personnelles peut (doit ? devrait ?) se discuter aussi, parce que dans mon carnet d’adresses, j’ai des numéros de téléphone d’autres personnes. Dans ma boite aux lettres, j’ai des textes d’autres personnes. Sur mes photos, j’ai des visages d’autres personnes. Ces données sont personnelles, mais sont-elles vraiment à moi ?
    Durant nos parcours et lors de la construction du projet, nous avons eu plusieurs fois écho de « fausses bonnes idées », de projets se basant sur la réappropriation des données personnelles par les usagers. Et par « réappropriation », à la différence de Nubo, ce n’est pas le contrôle qui est compris (qui y a accès et qu’est-ce qui en est fait), mais la propriété (elles sont à moi, j’en fais ce que je veux). Avec cette idée que, puisque les données personnelles sont un capital, elles pourraient être une source de revenus, chacun pouvant donc librement régler les curseurs de ce qu’il partage de ses traces. Ces propositions participent directement à ce dont nous nous efforçons justement de nous extraire. L’idée n’est pas d’avoir une part du gâteau, l’idée est de construire une alternative qui refuse (et n’a pas besoin de) tout pistage, profilage et abandon de nos vies numériques au modèle du capitalisme de la surveillance. Il semble qu’il y a parfois (heureusement, pas toujours) une confusion sur la place qu’a cette limite idéologique forte dans le projet.
    Par sa nature (coopérative ouverte aux prises de parts et financées par des abonnements) et ses principes (on ne touche pas aux données, il n’y a aucune interférence publicitaire), Nubo s’est construite sur l’implicite d’une inaliénation des données : les usagères et usagers en gardent les droits et personne, même pas eux-mêmes, ne peut abandonner ces droits. La revente ou l’exploitation par des tiers violeraient ce principe d’inaliénation. Mais il s’agit bien d’un implicite et pas d’un débat vivant, parce que la revente ou l’exploitation sont, pour Nubo (née « à cause de ça »), impensables.
    Même s’il y a certainement de la place pour discuter de sa nature et son application, nous évoquons souvent le règlement général sur la protection des données (RGPD) dont les débuts de l’application, en mai 2018, ont coïncidé avec les préparations de notre projet. La notion de consentement y est très présente (d’où la course aux cookies « je suis d’accord » sur les sites web), mais surtout toute une série de droits dont les usagers disposent : le droit à l’information, le droit d’accéder à ses données, le droit de les rectifier, de les transférer, de retirer son consentement, de faire effacer ses données, de s’opposer à leur traitement et aux décisions automatisées et le droit de limiter ce traitement. Il n’a pas fallu longtemps pour voir apparaître des moyens légaux et créatifs pensés pour les limiter ou les esquiver doucement (notamment en définissant ou redéfinissant ce qu’est un traitement, ce qui définit sa légitimité ou la nécessité de collecter, conserver, traiter les données…), sans oublier les efforts les plus directs pour, mieux encore, obtenir tous les consentements du monde. Pour nous toutefois, nombreux sont les principes du RGPD qui ont une base sensée du point de vue de la protection de la vie privée, au point que, à notre lecture, il puisse à l’occasion servir de guide de bonnes pratiques que nous confrontons directement avec les obligations techniques, tantôt pour accepter de conserver l’une ou l’autre donnée (la plus minimale et la moins identifiable possible), tantôt pour décider que ce sera à l’infrastructure de s’adapter.