Introduction
La construction de l’altérité – c’est-à-dire non pas seulement reconnaître l’autre dans sa différence, mais identifier et reconnaître l’autre comme un être autonome ayant sa propre rationalité d’agir – est, dans le contexte des luttes politiques et sociales, l’occasion d’une multitude de complications. En particulier dans les relations qui unissent les institutions sociales avec les personnes les fréquentant, de même que dans les rapprochements entre un certain type d’intellectuels (l’intellectuel dit « de gauche », engagé sur le terrain) et les populations que ceux-ci entendent représenter, les éléments qui font de ces deux pôles des altérités qui luttent ou travaillent ensemble sont, hélas, souvent le lieu de distorsions importantes dans les représentations, les moyens et les finalités qui, de part et d’autre, définissent leurs luttes. Les associations d’éducation permanente tendent à incarner, dans cette problématique, un entre-deux, puisqu’elles abritent, comme institutions, un certain nombre de militants/intellectuels de gauche (qui sont tant acteurs/animateurs de terrain que chercheurs/rédacteurs d’analyses) fondés à travailler avec un public populaire, précarisé, exclu ou opprimé, selon le type de lecture propre à chacune de ces institutions ; la question de l’altérité réciproque entre ceux qui y travaillent et ceux qui les fréquentent s’y pose régulièrement[1]. L’ARC s’est, en 2018, proposée de poser cette question de la possibilité des luttes communes sous divers angles : comment penser la dite « convergence des luttes »[2] ? Que dire des contre-convergences aux convergences réactionnaires (comme, par exemple, celle que l’on désigne par le terme fémonationalisme)[3]? Ou encore, comment penser les risques du ressentiment et de la mélancolie de gauche dans la dialectique de l’engagement militant, en particulier quand elle se fonde sur des divisions internes aux « opprimés »[4] ?
Autant de lieux où, malgré toutes les possibles déconstructions critiques que nous avons ici relevées, il s’agit surtout de comprendre comment lutter avec les personnes mobilisées : non pas seulement pour ces personnes, ou en leur nom, mais bien en les reconnaissant comme d’authentiques partenaires et contributrices aux dynamiques des luttes qui sont menées de front avec elles. La question que veut poser cette analyse s’intègre dans ce champ d’interrogation : au nom de quoi certaines populations, et en l’occurrence ici les populations SDF, se voient-elles de fait et très régulièrement exclues des processus de construction des luttes sociales ? Bien entendu, nombreuses sont les luttes qui se font en leur nom, mais beaucoup plus rares sont les luttes où les SDF sont, à la manière d’autres populations (comme les chômeurs, les travailleurs, etc.), mobilisés par les mobilisateurs que sont, notamment, les intellectuels et les militants de gauche. Nous espérons montrer par-là que la posture intellectuelle critique que nous adoptons, de même que les concepts et les schémas subjectifs qui sont les nôtres lorsque nous essayons de reconnaître dans des individus un potentiel mobilisable ou « un public cible », peut jouer un grand rôle dans le renforcement de certaines oppressions. En particulier quand ce même public cible résiste à son appropriation et à sa mobilisation, ce qui est fréquemment le cas chez les SDF, à quoi résistent-ils exactement ? N’est-ce pas, aussi, à cette réduction de leur altérité par ceux qui sont, socialement, aptes à dire ce qu’il faut faire pour eux, quelle est la meilleure lutte pour les représenter, et au nom de quoi ils sont tantôt victimes, tantôt bénéficiaire, mais rarement partenaires ?
C’est bien de ce fait que le concept sociologique d’intellectuel de gauche sera ici au centre d’un enjeu critique important. Nous reviendrons donc brièvement sur cette notion, pour – dans un second temps – tenter de ressaisir (notamment autour du concept de lumpenproletariat) les coordonnées sociologiques et historiques du mépris envers les SDF. Enfin, nous tenterons de voir, avec la thèse de Patrick Declerck¸ en quoi le concept d’exclusion, massivement mobilisé pour désigner et reconnaître ces mêmes populations, a une fonction idéologique qui éclaire le type de biais problématiques pouvant exister dans la posture sociale, culturelle et intellectuelle des mobilisateurs de pauvres. Cette analyse propose donc de revenir, brièvement, sur les motifs d’une distinction qui traverse l’arrière-fond politique de la gauche, même la plus universaliste, et que les sans-abris, pourtant au croisement de nombreux combats et crises politiques contemporaines, continuent d’interroger aujourd’hui, parfois malgré eux, parfois par exaspération réelle, parfois – aussi – dans ce qu’il faut bien nommer une politique de résistance. Nous verrons alors que, derrière ce mépris dont le SDF est souvent l’objet, c’est toute l’idéologie de l’exclusion qui agit : que reconnaître et identifier l’autre comme un « exclu » conditionne notre incapacité à le penser, malgré son oppression et sa souffrance, comme un acteur, un partenaire, un égal.
De l’« intellectuel de gauche »
Nous ne pourrons établir dans l’espace de ce texte une sociologie exhaustive de ce type d’intellectualité, ni donc restituer toutes les nuances d’un tel concept. Si bien que nous nous limiterons méthodologiquement à un concept de l’intellectuel de gauche comme étant une posture sociale définie, potentiellement active chez beaucoup d’intervenants sociaux et de militants associatifs : celle de coupler un engagement au sein de luttes de gauche et une position critique quant à la légitimité des référentiels et des personnes composant ces luttes. En peu de mots, l’intellectuel de gauche sera ici compris comme une posture sociale autorisant celui qui est reconnu comme tel à orienter les luttes et la culture qui les accompagne, à éventuellement pouvoir fournir des modèles de pensée et d’action valables au-delà de la situation particulière qui les a produits (donc de penser pour toutes les luttes, et non seulement pour une lutte singulière), et – depuis cette position singulière – à, finalement, déterminer ce qu’est une lutte légitime, qui est légitime à la faire et à la représenter, et au nom de quoi elle mérite d’être menée.
Cette posture s’intègre donc (sans s’y limiter) dans la division du travail et des privilèges propre au capitalisme contemporain, et elle pose la question de savoir comment – sur cette base – des luttes communes aux intellectuels/militants et leurs « autres », c’est-à-dire ceux que le capitalisme opprime dans son procès d’exploitation, sont possibles. La subjectivité politique de l’intellectuel/militant de gauche semble en effet devoir toujours être pensée comme une toile tendue entre l’oppresseur et l’opprimé, le bourgeois et le prolétaire. Avec les mots de Derrida, elle est comme une peau destinée « à équilibrer les pressions frappantes du typtein[5], entre le dedans et le dehors »[6]. De cette position d’équilibre qui le définit en propre[7], le militant-intellectuel de gauche est souvent amené à se penser, à tort, comme en étant le dépositaire exclusif : il se croit être seul à même de savoir comment lutter adéquatement, ce qui le conduit à poser ses limites propres comme devant être celles de tout autre et de toute forme de lutte. Mieux, le propre sociologique de ce type d’intellectuel, c’est aussi d’être infatué à pouvoir imposer, dans ce contexte, la ligne de partage entre intellectuels et non-intellectuels, ou, pour être plus provocant, entre ceux qui pensent et agissent et ceux qui, à l’inverse, vivent et subissent. L’intellectuel/militant de gauche demeure là, malgré son engagement particulier, tributaire des aspects les plus exclusifs de ce qui définit le rôle des intellectuels en général. Dans les mots de Lambros Fatsis, c’est même cette exclusion qui définit la posture de théoricien de la société :
Le cadre d’interprétation actuel par lequel les théoriciens de la société appréhendent la vie intellectuelle peut se lire comme un livre de règles d’exclusion abordant la vie intellectuelle comme une entreprise réservée à une élite avec des exigences d’admission à effet prohibitif. Malgré toutes ses vertus et ses bonnes intentions, une telle compréhension de la vie intellectuelle conçue comme redevable d’un type spécifique d’activité (la pensée), d’un type de personne extraordinaire (l’intellectuel) et d’un milieu particulier (le monde des lettres), reflète une conception remarquablement limitée de ce que la vie intellectuelle est, peut ou pourrait être, une idée étroite concernant le lieu où la vie intellectuelle peut se trouver ou s’exercer, et une présélection de candidats potentiels pour le titre étonnamment stéréotypée[8].
Cette attitude conduit à rarement se laisser frapper par ceux qu’on tend pourtant, comme intellectuel de gauche, à vouloir représenter et à organiser. Celle de penser son autre comme toujours déterminé, et jamais déterminant. À la façon de ces logiques actives dans ce que Jean Blairon qualifie d’associations victimaires, cette attitude se reflète par exemple dans les associations où s’observent une « construction de l’étrangeté irréductible du groupe représenté et [la] mise en avant d’une familiarité avec ce groupe dont l’association pourrait seule se prévaloir »[9]. Si bien que, dès que l’altérité visée (celle de grands précaires, ou celle des « transmigrants », par exemple) résiste à cette appropriation et aux cadres de sa mobilisation, elle induit une sidération qui déstabilise les schèmes cognitivo-subjectifs de celui-là même qui entendait « en disposer » : à la lettre, cette altérité qui résiste devient une violence du dehors faisant problème à la pensée. Toute la question est alors de savoir si, de cette violence, l’intellectuel de gauche, l’institution associative ou ses militants parviendront à tirer une expérience capable de les ébranler, de changer – chez eux aussi – le regard qu’ils portent sur la réalité de leurs « publics » : d’engager un travail émancipatoire où les deux parties travaillent à une émancipation commune, allant dans les deux sens de cette relation d’altérité qui les réunit.
Il existe pourtant une catégorie sociologique qui, historiquement, a longtemps été considérée comme « impropre » à la mobilisation politique. Si l’on reconnaît assez aisément la nature méprisante du rapport politique de droite à la question du sans-abrisme, il faut reconnaître que la gauche est loin d’en être exempte. Nombreux sont les cadres intellectuels de gauche qui, nous le verrons, méprisaient et réduisaient la grande précarité à n’être que le résidu quasi-animal et, pour ainsi dire, déjà perdu du prolétariat industriel : les SDF, les clochards, les vagabonds, le dit lumpenproletariat[10]. Cette catégorie d’exclus, pourtant très ancienne, connaît depuis longtemps un sort qui lui est presque exclusif : d’être abandonnée à la charité des nantis ou à la prise en charge assistancielle publique, sans jamais (ou presque) avoir été perçue comme étant porteuse d’une vraie capacité politique ; ou comme porteuse d’une voix qui, elle aussi, pourrait converger avec les luttes qui définissent, depuis Marx au moins, l’anticapitalisme. Ce mépris ou ce doute fondamental sur la capacité des SDF est pourtant, aussi, pleinement au centre de ce qui fait le problème SDF : pour reprendre ce que nous disions avec Fatsis des théoriciens de la société, il y a bien que les SDF sont généralement exclus lors de la présélection des candidats potentiels à être de « vrais » mobilisés de gauche. Il est, par ailleurs, fréquent que les SDF s’opposent à leur prise en charge, et ce parfois jusqu’à mettre en danger leur propre vie, sans que cette résistance du mobilisé au mobilisateur soit comprise comme telle (elle est souvent réduite à une pathologie de la désocialisation empêchant le SDF de comprendre ce dont il a besoin, c’est-à-dire d’accepter l’idée que tout le monde saurait mieux que lui ce dont il a « vraiment » besoin).
Par-delà le mépris du lumpenproletariat
La méprise et la sous-hominisation de ces catégories subalternes qu’incarnent les SDF, bien qu’ordonnées à des motifs variables, sont en effet des opérations communes aux deux grandes orientations politiques de l’Histoire moderne : tant la gauche que la droite ont pensé et pris ces populations pour être impropres à l’humanité politique. Ce célèbre passage du Manifeste du parti communiste en témoigne : « Quant au prolétariat en haillons, ce pourrissement passif des couches les plus basses de la vieille société, une révolution prolétarienne pourra le précipiter çà et là dans le mouvement, mais toutes ses conditions font qu’il sera plus disposé à se laisser acheter pour des machinations réactionnaires »[11]. L’ensemble caractéristique d’épithètes adressées à ces dits « sous-hommes » issus de cette sous-classe prolétaire ne manque pas, dans ces mots de la gauche radicale originelle, d’offrir la plus pure collection des stéréotypes à partir duquel le bourgeois (qu’il soit petit bourgeois ou non) circonscrit, jusqu’à aujourd’hui encore, l’oisif non-travailleur, le vagabond : d’être un pur produit, passif et inférieur, d’être vendu ; idéologiquement, d’être sinon purement indéterminé, très probablement réactionnaire. Le prolétaire en haillons, souvent réduit à de la racaille, n’est pour ainsi dire, à tort ou à raison, jamais ou rarement perçu comme porteur d’une puissance politique ou d’une capacité d’organisation : il pourrait, voire devrait, être abandonné à l’inanité complète du néant de son existence, quitte à survivre par la charité des plus riches que lui. Dans Les luttes de classes en France, lorsque sont décrits les bataillons du « Gouvernement provisoire » formé suite à la révolution de février 1848, on peut lire sous la plume de Marx ce complementum à l’extrait du Manifeste, précisant combien – même mobilisés – ces sous-prolétaires seraient (ou ont été) incapables de renier leur fondamentale sauvagerie :
Ceux-ci appartenaient pour la plupart au lumpenprolétariat, qui dans toutes les grandes villes constitue une masse nettement distincte du prolétariat industriel, pépinière de voleurs et de criminels de toute espèce, vivant des déchets de la société, individus sans métier précis, vagabond, gens sans feu et sans aveu, différents selon le degré de culture de la nation à laquelle ils appartiennent, ne reniant jamais leur caractère de lazzarones.[12]
Si certains auteurs ont pu relever que les propos de Marx désignaient une catégorie sociale qui, aujourd’hui, connaît – sous l’impulsion des effets de la précarité diffuse spécifique au capitalisme contemporain – un « rapprochement objectif »[13] avec le prolétariat, il n’en demeure pas moins vrai que la figure du SDF occupe toujours dans l’espace contemporain une position, issue de la division des pauvres, pour laquelle la possibilité d’une autonomie subjective n’est qu’un projet suspendu. Si la brutalité du langage usé par Marx tend à s’être modifiée au cours du temps, si des « termes nouveaux et des nomenclatures élaborées peuvent être produits », il n’en demeure pas moins, en effet, qu’aujourd’hui encore « les pratiques cognitives individuelles du policier ou du travailleur social consistent toujours à séparer la population en deux, pour déterminer qui ou quelle situation doit impliquer une intervention »[14]. En d’autres termes, on continue d’opérer une distinction entre le bon prolétaire, insérable et mobilisable et le mauvais pauvre, marginalisé et irrécupérable, entre le pauvre autonome et celui qu’on doit prendre en charge, entre l’animal docile et la bête immonde, entre le sujet digne et l’objet social.
Dans la situation historique qui nous occupe présentement, c’est-à-dire dans la configuration d’un capitalisme néolibéral, la division du prolétariat autant que le rapprochement objectif des populations précarisées tendent à imposer une perception sociale où le fait même de parler de prolétariat semble être devenu purement insensé, la fin du prolétariat devenant l’un des lieux communs omniprésents de la gauche contemporaine et de son intelligentsia :
Si l’existence même du prolétariat s’inaugure dans sa lutte contre la bourgeoisie, alors le jour où cette lutte s’affaisse pour se réduire à une (courte) série de conflits corporatistes et épars, il n’y a plus de prolétariat. Mais alors, que reste-t-il ? Quelque chose comme un monde de cauchemar pour tout véritable démocrate. D’un côté, une classe dominante qui devient ou redevient seul sujet de l’Histoire, et donc en sécession plus ou moins complète avec le reste de la société. Et de l’autre, […] une classe dominée qui « retombe hors du processus dialectique vivant », et finit par se dissoudre entre ses deux (non-)classes frontières : d’un côté, le Lumpenproletariat, c’est-à-dire le sous-prolétariat ou « prolétariat en lambeaux » constitué des plus basses couches sociales, désorganisées, individualisées, sans conscience de classe, et donc au service du plus offrant ; de l’autre côté, les blancs-manteaux du prolétariat, la petite-bourgeoisie ou le prolétariat embourgeoisé, alliages contre nature de fonctionnaires et de petits-boutiquiers, de petits calculateurs aux intérêts « sordides » et de « rêveurs de l’absolu » (c’est à chaque fois Marx qui parle). Autrement dit, s’il n’y a plus de prolétariat, il n’y a plus, d’un côté, que des acheteurs et, de l’autre, à la fois des individus achetables (la « racaille », suivant la traduction actuelle et signifiante de Lumpen) et des individus achetés (les fonctionnaires, les clercs, les petits commerçants et artisans). [15]
Qu’est-ce à dire sinon que reviennent ici les difficultés que nous énoncions en introduction concernant le procédé par lequel, définissant son altérité politique comme « potentiel appropriable et mobilisable », l’intellectuel-militant de gauche se condamne souvent à la manquer ? Précisément parce qu’il ne perçoit de l’autre (ici le SDF) que ce qui peut résonner par lui-même et à partir de ce qu’il possède en propre : la conscience de classe, la légitimité de lutte, les principes moraux, l’hygiène de corps comme de vie, la supériorité, la capacité. L’altérité du militant/intellectuel de gauche, quand elle n’est pas celle du plus dominant que lui mais celle des pauvres non-mobilisés, n’est plus un ensemble humain autonome mais, souvent, une masse « achetable » que seul un processus éducatif long – un retour à la dignité – permettrait d’élever au niveau de la conscience critique de classe (et donc, au niveau d’une mobilisation légitime). Ce mépris social, transcendantal en ce qu’il touche aux conditions de possibilité même du rapport de classes, nous semble s’intégrer dans ce que le capitalisme néolibéral lui-même produit comme mode de subjectivation spécifique, imposant une perméabilité sociale strictement construite sur l’expérience différenciée d’un spectre de précarité qui distribue l’humanité sur un continuum s’étendant depuis la quasi-animalité, celle des grands précaires qui survivent, aux seuls sujets de l’Histoire que sont les vrais « dominants », c’est-à-dire aux détenteurs du grand capital qui, au sein du même monde, hyper-vivent[16].
Sortir de ce prisme subjectif spécifique (pouvoir voir et comprendre le SDF comme non incapable et comme non réduit à sa pure exclusion) est une opération qui repose sur un dessaisissement[17] permettant à la gauche d’empêcher sa forclusion[18]: en d’autres termes, permettant de lui empêcher les conséquences néfastes de son autosatisfaction narcissique en renouant avec quelque chose de capable de lui résister, même symboliquement. Cette entreprise de dessaisissement subjectif par le changement de regard sur l’extrême marginalité et ses modes de vie et de résistances propres fut, notamment, l’objet d’une œuvre majeure de Georges Orwell : Dans la dèche à Londres et à Paris. Y détaillant avec précision la vie de vagabondage dans le début des années 1930 en Angleterre et en France, l’auteur consigne – outre une description remarquable de toutes les stratégies du quotidien qu’ont à élaborer les personnes réduites à l’indigence et maintenues par les lois dans cet état – un ensemble de réflexions sur la critique nécessaire pour comprendre ce que montrent et font les sans-abris. Cette critique, précisément, s’ancre dans l’effort que seule rend possible l’expérience de la grande pauvreté : celui de sortir du mythe leur attribuant une fracture subjective insaisissable car trop profonde. Autrement dit, il s’agit de se rendre capable de suspendre le doute fondamental et ontologique sur la capacité des SDF (doute faisant donc de tout sans-abris un pur incapable).
C’est une idée que l’on nous a inculquée dès l’enfance, si bien qu’il existe aujourd’hui dans notre esprit une sorte d’archétype mythique du vagabond : un être abominable et plutôt dangereux qui préférerait mourir plutôt que de travailler ou de se laver, et qui passe son temps à mendier, à boire et à voler […].[19]
Et Orwell de poursuivre :
Si l’on garde présent à l’esprit qu’un vagabond n’est pas autre chose qu’un Anglais sans travail contraint par les lois à mener une vie de vagabond, alors le spectre de l’abominable trimardeur s’évanouit. Je ne prétends pas, bien sûr, que les vagabonds soient tous des petits saints. Je dis simplement que ce sont des êtres humains comme vous et moi, et que s’ils ne sont pas tout à fait comme vous et moi, c’est le résultat et non la cause de leur mode de vie.[20]
Cet effort de dessaisissement ne repose pas tellement sur un choix volontaire de celui qui se rapporte à cette altérité incarnée par le SDF, mais bien plutôt à sa capacité à voir dans celui qui se présente comme SDF qu’il est le produit d’un effort à être ce SDF, c’est-à-dire à s’être, à la fois, intégré dans le mythe opératoire de ceux auprès de qui il pense pouvoir bénéficier d’une reconnaissance et d’avoir conquis une existence, même si fragile, lui permettant d’être, au moins, reconnu comme SDF. Non pas, bien entendu, que la précarité soit un effet recherché, mais bien que l’expérience même du SDF est, aussi, toujours déjà celle d’une déconstruction du mythe produisant son stigmate (à la limite, c’est le mythe du SDF qui en produit le stigmate) ; déconstruction permettant au SDF qui en subit les effets d’opposer, çà et là, des stratégies de survie et de résistance (Dominique Memmi et Pascal Arduin parlent de « ruses du faible »[21]). C’est là la puissante intuition de Erving Goffman quant à la particularité des stigmatisés :
Le normal et le stigmatisé ne sont pas des personnes mais des points de vue. Ces points de vue sont socialement produits lors des contacts mixtes, en vertu des normes insatisfaites qui influent sur la rencontre.[22]
Cette perspective de points de vue qui se constituent l’un l’autre est, précisément, ce par quoi la question SDF peut être interrogée dans une approche qui concerne la production de subjectivité politique dans le capitalisme néolibéral.
Le problème idéologique de l’exclusion
Notre problème se pose ici dans tout son potentiel d’aporie car, si nous venons d’exposer combien comprendre une population telle que celle des SDF demande de se libérer d’un certain nombre de stéréotypes solidement ancrés dans l’Histoire et dans notre présent, il convient aussi de relever combien renverser, grâce au statut de « victime de l’exclusion », la réduction négative du SDF à son essentielle incapacité est une lecture tout autant schématique et superficielle (passer de « c’est un incapable parce qu’il est un sous-homme » à « c’est un incapable par qu’il est victime de l’exclusion » ne change pas le fond du problème, mais la couleur idéologique du rapport). Cette logique complexe et paradoxale de l’exclusion (qui croise toujours l’initiative de l’exclu avec son sort impersonnel, social, non volontaire), si explicite dans le cas SDF, demeure réelle tout le long des catégories sociales vivant, même faiblement, des situations d’exclusion. Il faut donc, si l’on veut en élucider la nature, prendre l’exclusion elle-même comme une fonction idéologique régulatrice du champ social ; fonction intervenant par ailleurs dans ce qui fonde la grammaire des divisions/exclusions que nous relevions dans la construction de l’altérité, en particulier dans celle des intellectuels/militants de gauche, très habitués à lire ces réalités sociales douloureuses comme leur terrain privilégié d’intervention.
Patrick Declerck, dans son ouvrage majeur qu’est Les naufragés. Avec les clochards de Paris[23], fournit, à partir de son expérience auprès des SDF parisiens, une excellente analyse des impensés charriés par le concept d’exclusion lui-même, analyse permettant en outre de poser à nouveau frais le paradoxe que nous venons d’exposer ci-avant. Nous aimerions ici restituer la nature de son geste théorique afin d’exposer plus précisément en quoi les SDF, loin d’être de purs exclus, sont produits comme exclus, et cela aussi par leur mobilisation au sein des idéologies de gauche. Il ne s’agit bien entendu pas, pour Declerck, de contester à l’exclusion sa réalité, mais de montrer combien il semble que « le concept d’exclusion ait quitté, comme une rivière déborde de son lit, le terrain de la stricte rationalité pour se transformer insensiblement en une sorte de mythe explicatif général et englobant »[24]. Cette transformation doit, selon lui, être comprise à travers le fondamental refoulement que produit le concept d’exclusion : refoulement du caractère coupable et fautif que peut potentiellement impliquer toute forme de déviance eu égard à la norme. Son objectif est donc de relever comment, à travers un format conceptuel idéologique, l’exclusion tend à masquer une obligation qui s’impose pourtant face à toute forme de déviance : celle d’en mesurer les enjeux touchant à la culpabilité.
Que les sujets acceptent, nient, refoulent ou rationalisent ces enjeux [touchant la faute et la culpabilité], le fait est qu’il leur est impossible d’échapper à l’obligation de se définir d’une manière ou d’une autre, par rapport à eux. Ainsi les médias véhiculent, ad nauseam, le discours des uns et des autres : chômeurs qui se défendent d’être fainéants, toxicomanes qui ne sont que des malades (et non, en sus, éventuellement délinquants et pervers), homosexuels qui sont « comme tout le monde », délinquants qui ne sont que les victimes de la société, clochards qui n’en peuvent mais… Discours dont l’éventuelle légitimité n’est pas ici mise en cause, mais qui, indéniablement, s’adresse, pour mieux la nier, à la question du sentiment diffus de la transgression et de la culpabilité[25].
Il s’agit donc bien de voir que, si l’exclusion est un processus ayant véritablement ses victimes (au sens où ces marges subissent effectivement un traitement dont ils ne sont pas la cause première), la façon dont elle s’impose à la conscience (et à l’inconscient) tant de ceux qui la subissent que de ceux qui s’y rapportent est une façon de transformer ces personnes « exclues » en individus ayant le statut passif d’ « innocentes victimes » d’un système : transformation idéologique « qui s’accompagne nécessairement d’une négation de la transgression et d’une absolution de la culpabilité »[26]. Plus simplement dit, par sa visée en principe louable de ne pas réduire sa condition à une faute, l’exclusion dénie en même temps à celui qui dévie de la norme sa capacité transgressive (même si celle-ci, quand elle conduit à la désocialisation complète, s’accompagne évidemment de souffrances potentielles immenses) : elle renoue donc bien, alors même qu’elle prétend contribuer à la reconnaissance de la violence dont elle est le nom, avec l’essentielle réduction à la passivité dont le lumpenproletariat a toujours été l’objet.
Cette transformation par l’exclusion peut être comprise en sept dimensions clés qui la caractérisent. Elles reflètent combien l’exclusion opère sur fond d’une sociologie par elle-même problématique tant elle couvre mal cette question critique pourtant évidente : « qu’est-ce que la marge ou l’envers de la société, sinon encore la société ? »[27] Qu’est-ce en effet que l’exclusion, sinon une modalité spécifique de l’inclusion sociale ?
- L’exclusion « crée, en la nommant, une identité sociale générale et englobante qui regroupe des catégories de personnes très différentes entre elles »[28]: elle ne concerne pas que les SDF, mais inclut aussi les toxicomanes, les délinquants, les immigrés, etc. Elle opère donc un regroupement entre populations qui n’ont en commun que le fait d’être reconnues comme « exclues » et de se voir, de ce fait, reconnues à travers les dispositifs censés les prendre en charge (un toxicomane non-assisté pour sa toxicomanie n’est, socialement parlant, pas un toxicomane).
- Ayant opéré ce regroupement contingent, le concept d’exclusion réduit ces diverses situations, pourtant fortement différenciées, à l’assignation d’une cause unique. Si certains facteurs socio-économiques sont éclairants quant aux motifs de l’exclusion, on sait aussi, par ailleurs, que ces derniers ne peuvent être limités « aux obstacles économiques et/ou administratifs »[29]. Mais comment, dès lors que tout peut être expliqué à travers elle, penser la production de l’exclusion elle-même ?
- L’exclusion, ainsi, agit par privation essentialiste de l’autonomie : elle « véhicule le déni de toute transgression liée à ces états divers, puisque des sujets « exclus » – par définition – ne sauraient l’être volontairement »[30]. C’est de cette façon qu’elle opère cette transformation de statut pour des individus devenant, du même coup, de pures victimes innocentes.
- Cette transformation est aussi, dans le même mouvement, celle qui nie idéologiquement la culpabilité des sujets : « les victimes en sont, par définition, théoriquement absoutes »[31]. En un sens, l’exclusion opère donc une forme de désubjectivation fondamentale de celui qui, par choix ou non, dévie.
- En effet, du vécu toujours ambivalent quant aux causes et aux motifs de ce qui a produit l’exclusion, il ne reste qu’un refoulement fondamental de la part active donnant chair à ce même vécu. « De même, se trouvent niés les bénéfices secondaires ou/et aménagements de ces états douloureux, qui en deviennent du même coup impensables »[32]. L’exclusion devient alors le prisme au travers duquel tout n’est qu’univoquement souffrance et symptôme : plus rien n’appartient au sujet.
- La fonction idéologique de l’exclusion comme forme d’inclusion devient alors évidente :
Si la souffrance est alors envisagée comme étant intimement liée à la mise à l’écart de la société, le bonheur, lui, se trouve du même coup implicitement lié à l’inclusion et au fonctionnement social normal. Le discours de l’exclusion véhicule ainsi implicitement une théorie normalisante de la félicité sociale, qui légitimise insidieusement l’ordre établi.[33]
Si l’on complète cet argument par ce que nous disions du rapport d’altérité entre la gauche (via ses militants/intellectuels) et ses « publics cibles », on comprend combien l’exclusion y est, aussi, une forme d’inclusion : n’est politique que l’exclu mobilisé et mobilisable (celui qui est inclus, par son exclusion, comme « cible privilégiée » de la gauche), le reste n’étant qu’une masse exclue dont on ne peut que s’occuper, ou à qui on ne peut que « rendre une dignité perdue ».
- L’ensemble de ces dimensions charriées par le concept d’exclusion forment les éléments qui amènent à déplacer, et par-là même à dissoudre, les enjeux « de la faute et de la culpabilité […] sur la société en général » [34], coupant de cette façon la culpabilité, pourtant fondamentale à la compréhension du sans-abrisme, de ses origines tout en en faisant une réalité flottante et inassignable, appartenant presque par nature au système social.
On comprend, grâce à cette déconstruction opérée par Delcerck, combien la construction de l’altérité, quand elle prend la forme d’une exclusion victimisante, joue un rôle déterminant dans ce qui amène les opérateurs sociaux à manquer ce qui fait la singularité des sans-abris auxquels ils s’adressent. Cette singularité est pourtant fondamentale : c’est celle d’être subjectivement engagé dans ce processus destructeur, de vivre à même leur corps l’ambivalence d’une existence douloureuse dont ils sont, en même temps, acteurs et victimes. En remplaçant, notamment, la question de la culpabilité par celle de la dignité (le SDF est-il digne ? Doit-il retrouver la dignité ?), on oblitère massivement – au nom d’une idéologie de l’autonomie et de la liberté que confère la dignité – les souffrances spécifiquement liée au fait d’être un sujet autonome qui, de ce fait, porte aussi la faute de sa transgression et négocie son être social au travers de cette puissante et dévastatrice impuissance.
Car si, à nos yeux comme aux leurs, les exclus ne sont plus coupables de rien, ils se trouvent, en revanche, marqués du sceau de l’indignité potentielle et latente. Indignité dont tout le monde alors se met à parler, tout en affirmant haut et fort qu’elle ne vient surtout pas à l’esprit. Dénis encore, dénis toujours… Bref le sadisme […] met alors en branle toute une casuistique du respect, de l’autonomie, du redressement et de la liberté des sujets, qui se traduit dans les faits par une cécité face à leurs besoins régressifs et dépendants, et par une surdité aux clameurs de leurs souffrances spécifiques.[35]
Ce qu’expose un tel diagnostic qui mériterait, par ailleurs, d’être nuancé, c’est aussi et surtout combien l’idéal de ceux qui se rapportent à l’exclusion impacte très fortement les exclus, combien les divisions sociales permettant aux lutteurs de reconnaître ceux pour qui ils/elles luttent entraînent dans leurs sillons une forme d’annulation (ou une banalisation, pour parler comme Hannah Arendt) des causes de la violence sociale et de l’oppression. Si bien que c’est tout autant la capacité des acteurs sociaux à se rendre dignes de ce que leur communiquent ces grands précaires, que la dignité fantasmée de ces SDF, surtout reconnue quand elle dérange le moins possible ceux qui l’appréhendent, qui doivent être au centre des rapports communs entre les deux pôles de l’altérité sociale dont nous parlons ici.
Conclusion
L’intérêt d’une telle interrogation, qui ne reçoit ici qu’un éclairage propédeutique, tient bien à la nécessaire vigilance quant aux effets de nos propres réflexes d’appropriation subjective quand, en face, s’élèvent des populations dont la réalité quotidienne est déjà, toute entière, faite de résistances acharnées à l’économie du monde et chez qui, sans surprise, la conscience de ces projections et des ces absolutions que produisent les acteurs sociaux et les militants à leur égard est très aigue. Comme le souligne l’un des travailleurs du secteur SDF dont les paroles sont retranscrites par le Collectif MANIFESTEMENT dans ses Revendications de (pré-)SDF bruxellois, « Les SDF sont ceux qui sont exclus par le secteur sans-abri »[36], ou, dans les mots de l’un ou l’autre des SDF témoignant dans le même livre : « C’est comme un chantage : soit tu acceptes d’être traité comme un idiot, soit on te laisse crever »[37], « Soit se débrouiller seul avec le très peu de moyens qu’il nous reste pour survivre (et risquer de s’enfoncer encore un peu plus), soit accepter une assistance qui nous infantilise et nous déresponsabilise complètement (quand elle ne nous exploite pas) »[38].
Précisément, ce qu’apporte cette déconstruction de l’altérité par exclusion dont les SDF sont si souvent les objets, c’est l’exposition brute d’une nécessité qui préside pourtant à la totalité du projet d’éducation populaire : reconnaître aux actants (les dits « bénéficiaires ») des dispositifs sociaux, d’accueil, d’intégration, d’émancipation ou de soutien, même s’ils doivent être reconnus comme bénéficiaires d’une activité ou d’un service, un rôle déterminant et non pas seulement déterminé. En d’autres termes, là où – particulièrement dans le cas SDF – ceux qui sont censés bénéficier d’une offre s’y soustraient, la contestent, l’évitent, la détruisent, le rôle d’une institution à visée émancipatoire nous semble devoir reposer précisément sur la reconnaissance et l’accueil de cette subjectivité opprimée qui réagit et qui, de fait, est absolument légitime à exprimer choix, valeurs et préférences eu égards à ce système dans lequel elle est profondément incluse. De même, l’élaboration des stratégies visant à éliminer le phénomène du sans-abrisme ne peut gagner son efficience qu’à la condition d’entendre que la rationalité d’un tel système ne sera exposée, comprise et obtenue qu’à partir de ceux qui en expérimentent les logiques, c’est-à-dire à partir d’un agencement non construit sur la négation de la singularité des SDF :
Ayant constaté l’inefficacité, voire la dangerosité, du passage par certains services, ils [les SDF] avancent des arguments sensés, reposant sur des théories très critiques vis-à-vis du système de prise en charge. Prendre en compte cette dimension cognitive de la rationalité, c’est accorder aux SDF le statut d’acteurs sociaux capables d’analyser, sans pour autant totalement maîtriser, leurs expériences.[39]
L’enjeu est alors peut-être moins celui d’une intégration « multiculturelle » de tous les acteurs concernés (un peu d’intervenants sociaux, un peu de SDF, un peu de politiciens) aux processus élaboratifs et décisionnels présidant à la mise en place des politiques sociales, mais bien l’urgence impérative d’une déconstruction des attentes subjectives dominant les classes intellectuelles et militantes (une vigilance des intellectuels de gauche, pour reprendre ici notre terminologie) par lesquelles les politiques publiques trouvent le relais de la mise en place de ces processus. Si bien que l’éducation populaire pourrait, ici, trouver une place de choix : celle d’organiser des dispositifs de co-recherche entre acteurs sociaux pluriels (à la fois SDF et non-SDF), dont l’objectif serait la prise de conscience commune des motifs d’une lutte permettant le dépassement des schèmes divisant le peuple à propos de la normalité de leur humanité : c’est-à-dire la co-recherche des moyens de dépasser le doute fondamental d’une incapacité planant sur l’être des déviants et des opprimés. En peu de mots, il s’agirait de faire de la construction de l’altérité l’objet ou le matériau d’un travail en commun d’une éducation populaire qui se donnerait, notamment, pour objectif de dépasser les prismes habituels de la posture intellectuelle et militante dite « de gauche ».
- [1] Nous renvoyons ici, en guise d’exemple, à BLAIRON, J., « Une pathologie institutionnelle : les associations victimaires », publication Intermag.be, RTA asbl, mars 2017. [En ligne], URL : www.intermag.be/587
- [2] Voir l’analyse MATTHYS, J., « De la convergence des luttes à la lutte des convergences. Réflexions sur l’intersectionnalité et l’autonomie des luttes », publication ARC, 2018. URL : https://arc-culture.be/blog/publications/de-la-convergence-des-luttes-a-la-lutte-des-convergences-reflexions-sur-lintersectionnalite-et-lautonomie-des-luttes/
- [3] Voir BRUSCHI, F., « Pour une contre-convergence des luttes face au fémonationalisme », Publication ARC, 2018. URL : https://arc-culture.be/blog/publications/pour-une-contre-convergence-des-luttes-face-au-femonationalisme/
- [4] Voir MARION, N., « Penser la dialectique du ressentiment dans nos engagements – Autour du risque conservateur et réactif de l’activisme militant », Publication ARC, 2018. URL : https://arc-culture.be/blog/publications/penser-la-dialectique-du-ressentiment-dans-nos-engagements-autour-du-risque-conservateur-et-reactif-de-lactivisme-militant/
- [5] Le mot grec typtein signifie « frapper » et détermine l’origine étymologique du mot « tympan ».
- [6] DERRIDA, J., Marges de la philosophie, Paris, Minuit, 1972, p.III.
- [7] On peut, pour approfondir cette question, se rapporter à CUSSET, F., « La gauche et les intellectuels. D’un non-rapport entre deux mots morts », dans Mouvements, vol. 69, no. 1, 2012, pp. 128-133.
- [8] FATSIS, L., « Becoming public characters, not public intellectuals: Notes toward an alternative conception of public intellectual life », dans European Journal of Social Theory, 2016, p. 2.
- [9] BLAIRON, J., « Une pathologie institutionnelle : les associations victimaires », Loc.Cit.
- [10] Pour reprendre ici la désignation que Marx utilisait à leur égard. Littéralement, en français, « le prolétariat en haillons ».
- [11] K. Marx, F. Engels, Manifeste du parti communiste, tr. fr. E. Bottigelli, Paris, Flammarion, 1998, p.87.
- [12] MARX, K., Les luttes de classes en France, Paris, Gallimard, 2002, p.30.
- [13] CARLINO, F., « Autonomisation de la catégorie de Lumpenproletariat et pratique de la violence », Cahiers du GRM [En ligne], 2 | 2011, §56. Mis en ligne le 05 août 2010, consulté le 06 décembre 2018. URL : http://journals.openedition.org/grm/245
- [14] DAMON, J., « 1. Déclin de la coercition et montée de la thématique de l’exclusion », Loc.Cit., p.29.
- [15] ZAOUI, P., « Le prolétariat hors la lutte ? », dans Cités, vol. 35, no. 3, 2008, p.57.
- [16] Nous renvoyons ici, pour un détail de cette question, à notre étude MARION, N., « Du corps au contrôle : enjeux de la corporéité dans le capitalisme contemporain », Publication ARC, 2018. URL : https://arc-culture.be/blog/publications/du-corps-au-controle-enjeux-de-la-corporeite-dans-le-capitalisme-contemporain/?fbclid=IwAR2Nd-c4_36Db3fhEeybY4vfH4iJVFCx8crygYvpW4WRkeL9ig0Rr1DQdAQ
- [17] Fait de sortir de l’emprise de nos catégories habituelles
- [18] Le concept de forclusion est ici librement dérivé de son sens psychanalytique, et peut être compris comme le retranchement de la gauche par rapport à son extériorité, sorte d’aveuglement conscient du sujet ayant exclu de son champ propre la violence de son dehors.
- [19] ORWELL, G., Dans la dèche à Londres et à Paris, Paris, Ivréa, 1982, p.274.
- [20] Ibid., p.277.
- [21] ARDUIN, P., MEMMI, D., « L’affichage du corporel comme ruse du faible : les SDF parisiens », dans Cahiers internationaux de sociologie, 2002|2 (n°113), pp.213-232.
- [22] GOFFMAN, E., Stigmates. Les Usages sociaux des handicaps, Paris, Minuit, 1975, p.161.
- [23] DECLERCK, P., Les naufragés, Paris, Plon, 2001.
- [24] Ibid. p.290.
- [25] Ibid., pp.290-291.
- [26] Ibid., p.291.
- [27] Ibid.
- [28] Ibid.
- [29] Ibid., p.92.
- [30] Ibid.
- [31] Ibid.
- [32] Ibid.
- [33] Ibid.
- [34] Ibid.
- [35] Ibid., p.293.
- [36] Collectif MANIFESTEMENT, Revendications de (pré-)SDF bruxellois, Bruxelles, Maelström, 2011, p.48.
- [37] Ibid., p.44.
- [38] Ibid., p.43.
- [39] DAMON, J., « Les « bonnes raisons » des SDF », dans Commentaire, 2009|1, n°125, p.171.